Ne pas oublier...

Alix ouvrit la porte du cimetière doucement, pour ne pas briser le silence qui régnait dans ces lieux. Elle avait l'habitude de cet endroit, elle venait régulièrement, presque toutes les semaines quand elle le pouvait. Mais pourtant comme à chaque fois, l'atmosphère particulière la fit respiré plus difficilement... Pourtant le soleil était levé et éclairait l'endroit qui ne paraissait pas vraiment effrayant...

Elle sera un peu plus fort le bouquet de roses blanches qu'elle tenait à la main et s'avança dans l'allée. A chaque pas, les petits cailloux blancs crissaient sous ses pieds. Comme toujours elle ne regardait pas vraiment ce qui l'entourait avant d'arriver à son but. Elle n'avait pas envie de voir les autres tombes, les plaques commémoratives et les messages à destinés des disparues... Enfin au bout de l'allée, prêt du mur, elle releva la tête. La tombe était double, d'un marbre gris rare. Evidemment elle n'était pas surplombé d'un croix, la religion n'avait aucun sens à Dégénérescence... à part celle du maire, et seuls quelques fanatiques de ce dernier avaient fait installé en hauteur de leur tombe une statue à son effigie.

Comme à chaque fois, elle retira d'abord les fleurs fanés du vase pourpre, et y déposa les roses fraiches. Puis elle s'agenouilla et resta là, en silence et les yeux fermés. Mais elle parlait intérieurement à sa mère. C'était un cérémonial... Sa mère, déjà vivante, avait toujours été sa plus proche confidente... Elles se partageaient leurs espoirs... et Alix perpétuait la tradition. Intérieurement, elle raconta à sa mère sa dernière semaine, l'impression qu'elle avait d'être suspecté et suivis...mais aussi sa raconte avec Gabriel et ses doute à son sujet... Et elle finissait toujours par dire combien elle espérait que sa mère reposait en paix auprès de son père, et qu'elle espérait trouver un jour la tombe de ce dernier si elle existait pour lui rendre aussi hommage.

Puis comme à chaque fois, après ce rituel qui durait prêt de dix minutes, elle se relevait et fit le tour de la tombe pour voir si il n'y avait pas de problème... Tout était parfait, la tombe était propre, les mauvaises herbes enlevés... Le responsable du cimetière était quelqu'un d'efficace... autant que son prédecesseur apparement. Elle n'avait pas encore eu l'occasion de faire sa connaissance, mais c'était le moment ou jamais. Elle avait comme habitude de récompenser les services du gardien du cimetière en lui apportant des produits assez rares. Et elle voulait perpétuer la tradition. C'était pour cette raision que serrant son sac contre elle, elle rechercha du regard le nouveau responsable du cimetière.

La journée avait été plutôt calme, en ce sens qu'il n'y avait pas eu un seul trou à creuser. Même si comme d'habitude les forces de police avaient découvert quelques cadavres Virii en bordure de la zone externe sud, ça n'avait pas eu un impact significatif sur la charge de travail de Dwain... Ceux-là, souvent anonymes et n'ayant pas une famille pour débourser les frais d'un enterrement standard, n'avaient droit qu'à la fosse commune. Ils pouvaient toutefois s'estimer chanceux (si tant est qu'un macchabée puisse l'être...) car on leur épargnait l'incinération, qu'on ne réservait qu'aux trépassés inconnus et sensiblement radioactifs... La municipalité avait été claire sur ce point : "Si le compteur Geiger s'affole, cramez tout sans états d'âme !!!"

Dwain pouvait donc se consacrer à son activité favorite, à savoir l'entretien des tombes. Pourquoi favorite ? Déjà parce que cet exercice quotidien était bien moins nocif pour sa colonne vertébrale que le forage intensif de la terre du cimetière de Dégénérescence, aussi dure que le coeur d'un enquêteur des forces de contrôle. Mais également parce que miss Sorrow aimait parler à ses résidents. Les morts, voyez-vous, sont bien les seuls êtres ayant assez de savoir-vivre pour écouter sans interrompre et, en prime, on peut interpréter leur silence comme bon nous semble... C'était grosso modo la théorie de Dwain. La solitude aidant, elle avait développé son propre cercle d'ami silencieux : pour la plupart des statues de marbre ainsi qu'un nombre incalculable de rectangles de granite polis. Les tombes des technologues, bien moins archaïques mais plus impersonnelles que leurs homologues thaumaturges, lui plaisait tout autant que ces dernières, qui n'en restaient pas moins de magnifiques oeuvres d'art au service du deuil. Il y avait une sorte d'égalité entre thaumaturge et technologues pour Dwain : Elle savait pertinemment que face à l'inéluctabilité de la décomposition, aucune des deux castes n'avait d'avantage.

Tout en marchant nonchalamment hors des sentiers pour gagner un peu de temps, elle aperçut une femme qu'elle ne connaissait que trop bien. Alix Tilbury, la voix du Maire. Quoi de mieux qu'une nana à qui on donnerait le bon Dieu sans confession pour donner l'illusion de la transparence à la politique dictatoriale du bourgmestre local...? Comme d'habitude, elle était venue se recueillir sur la tombe de sa mère, sans doute avait-elle besoin de tirer de son ancêtre la force de mentir à tout un peuple. Par le passé, la fossoyeuse avait autant que possible évité de se retrouver face à elle. Mais aujourd'hui la tentation de rompre cet instant de communion, totalement écoeurant de par la mauvaise foi émanant de la porte-parole officielle, fut trop forte... Elle s'approcha à pas de loup alors qu'Alix se relevait, une fois dans son dos elle déclara d'un ton neutre et sans chaleur (comme à son habitude) :

"Autrefois, moi aussi je cherchais une réponse de mon tuteur décédé... Mais il n'a jamais été en mesure de me révéler où il avait mis les clefs de la remise..."

Un sarcasme, comme d'habitude... Si celui-là était plutôt "soft" dans son genre, c'est que Dwain ne voulait pas échauffer les nerfs de sa vis-à-vis. Une personne de premier rang comme elle pouvait lui apporter des maux bien plus considérable qu'une simple altercation verbale...

Alix sursauta à la voix qui n'avait pourtant rien d'effrayante... Sa surprise fut d'autant plus forte que la phrase prononçé était plutôt... sarcastique... pour ne pas dire moqueuse... et donc complètement déplacé dans un lieu pareil... La responsable de la communication du maire se retourna avec un visage qui affichait sa surprise et peut-être aussi un brin d'irritation par ce manque de correction... Elle venait ici pour retrouver la paix auprès de sa mère, ne pas l'oublier et cette jeune femme en face d'elle jouait les impertinentes sas raisons valables.

Elle commença à ouvrir la bouche légèrement pour répliquer quelque chose, et hésita puis ne résista pas...

" je ne pense pas que ce soit un lieu pour plaisanter... " dit-elle d'une voix plutôt acerbe. Elle n'en rajouta pas plus. A quoi bon se lancer dans une querelle stupide ? Son interlocutrice, si on pouvait l'appeller comme cela, était plutôt petite, les cheveux noirs et coupés cours, et un visage aussi pâle que les représentations de la mort elle-même... La personne idéale pour un lieu pareil... d'ailleurs Alix se souvint l'avoir déjà aperçu de loin au cimetière plusieurs fois. Cela devait être encore une de ses gamines perdues qui vouaient un culte à la mort... enfin c'était toujours mieux que de célébrer le maire...

" je recherche le nouveau responsable du cimetière, j'ai appris que Ronnie était décédé... Est-ce que vous pourriez me dire où le trouver ? " repris-t-elle d'un ton plutôt neutre. D'ordinaire elle aurait accompagné sa demande de plus de gentilesse et d'un jolie sourire, mais là... Bien sûr elle n'avait pas trop insisté sur la remarque acerbe de la jeune femme mais cela lui restait en mémoire...

Elle ne connaissait pas personnellement Ronnie, mais ce dernier avait été plutôt courtois avec elle à force de la voir régulièrement. Il avait toujours eu une phrase aimable et veillait sur la tombe de sa mère avec soin... C'était pour cette raison qu'Alix lui apportait régulièrement des produits qu'un gardien de cimetière comme lui pourrait avoir du mal à trouver... Et elle voulait rencontrer le nouveau responsable du cimetière dans le même but, s'assurer de ses services correctes concernant la tombe de sa mère.

Comme prévu, Dwain se fit rembarrer bien comme il faut...! La réponse de son interlocutrice avait le mérite d'être claire, sans pour autant être d'une remarquable inventivité : On aurait été en droit de s'attendre à quelque chose de plus cinglant, surtout de la part de l'ordonnatrice en chef de la propagande ! Enfin, c'était sans doute mieux ainsi. Soixante-douze heures de garde-à-vue n'aurait rien eu de très inventif non plus, mais elles auraient tout de même créé leur petit effet...! Tandis qu'Alix la dévisageait sans ménagement, Dwain se félicita donc intérieurement de ne pas avoir tenté l'expérience d'une remarque un chouïa plus revêche.

Mais la demi-stupeur qu'avait suscité chez Dwain la réaction modérée de la chargée de la communication ne fut rien face à ce qui suivi. La dame Tilbury cherchait le nouveau responsable du cimetière, ayant appris le décès de son prédécesseur...
Ce qui étonna la fossoyeuse ne fut pas tant qu'on apprenne la mort de son mentor presque un an après que celle-ci soit survenue... C'était plutôt que la demoiselle qui lui faisait face, et qu'elle pensait aussi impassible qu'un vautour, puisse l'appeler "Ronnie"...

°Elle connaissait son nom...? Je n'aurais jamais pu concevoir qu'une femme dans son style puisse s'intéresser aux attributs du bas peuple...°

Dwain, bien qu'un peu déboussolée, gardait l'intégralité de son sang-froid. Alors comme ça la langue de vipère du gouvernement voulait rencontrer le nouvel intendant de cette vaste nécropole ? Mais... Pourquoi ? Avait-elle été laxiste dans son entretien des tombes...? Il est vrai que Ronnie, même six pieds sous terre, n'avait toujours pas trouvé son égal au niveau de l'ornementation du cimetière. Aucun maniaque du récurage de pierre tombale ne lui était arrivé à la cheville dans ce domaine, pas même Dwain qui se voyait pourtant parmi les plus consciencieuses gardiennes de cimetières.

Du coup, c'était possiblement pour l'enguirlander qu'Alix voulait rencontrer le nouveau responsable... Mais le point positif, c'est qu'elle semblait totalement aux fraises puisqu'elle n'était pas informée du nom de la personne chargée de prendre la relève de Ronnie. Profitant de cet état de fait, Dwain choisit d'en apprendre plus sur les projets de sa vis-à-vis avant de dévoiler (ou pas) sa véritable identité. Le mensonge qu'elle prononça comme d'ordinaire, entendez par là bas et sans vigueur, donnait à peu près ceci :

"En réalité, le nouveau croque-mort et quelqu'un de plutôt occupé... Vous lui voulez quoi au juste ?"

Attendant une réponse, Dwain s'alluma négligemment une cigarette.

Alix ne comprenait pas la lueur de surprise qui s'anima dans le regard de la jeune femme en face d'elle lorsqu'elle parla de Ronnie. Sans doute le connaissait-elle aussi... Après tout la petite brune paraissait être très au fait des uses et coutumes du cimetière... Alix était vraiment intrigué par ce "personnage" étrange devant elle...

" ça ne vous regarde pas je pense... " dit-elle d'un ton certainement plus sec que prévu... Mais à vrai dire, elle ne savait pas trop comment réagir. La jeune femme se montrait bien curieuse et Alix se balladait avec un sac remplit de produit au noir. Et elle n'avait pas vraiment envie que cela s'apprenne... Elle avait déjà le sentiment d'être surveiller ces derniers temps... Bien sûr, l'approvisionnement au marché au noir n'était pas (encore) considéré comme un crime contre le maire, et n'interessait donc pas la police politique, la FDC... mais compte tenu de sa position, cela risquait de la mettre en difficulté...

" je voudrais simplement lui parler à propos de l'entretien des tombes. Est-ce que vous pourriez m'indiquer où l'attendre ? " demanda-t-elle en se montrant plus aimable. Sa voix se fit moins agressive, car elle venait de réaliser à quel point elle avait pu se montrer hostile sans vraiment de raison face à cette jeune femme. Elle ne paraissait pas vraiment dangereuse ou hostile... Mais Dégénéresence les changeait tous, elle la première, elle se montrait plus froide, plus" cassante" et plus soupçonneuse...

Elle n'accompagna cependant pas sa phrase d'un sourire habituel car elle restait un peu intrigué par le rôle de la jeune femme, ce qu'elle faisait ici... Elle était trop âgé pour suivre obligatoirement les cours de l'université des technologues...

" est-ce que je peux savoir qui vous êtes ? " rajouta-t-elle sur un ton neutre, abandonnant l'aggressivité pour le moment.
Le cimetière était toujours aussi désert, ce qui n'avait rien d'étonnant à cette heure matinale... Mais c'était fait exprès, Alix n'avait pas envie de voir du monde... et puis elle remarquerait tout de suite si elle était observée et abandonnerait l'idée de remercier le responsable du cimetière.

Une fois encore, notre souveraine des morts se fit rabrouer de la plus belle des façons. Elle ne se voilait pas pour autant la face, et savait qu'elle l'avait de toute évidence bien mérité. C'était elle qui avait déclenché les hostilités, voilà pourquoi elle ne s'étonnait pas plus que ça de recevoir en pleine poire quelques remarques cassantes... En définitive, les demoiselles Tilbury et Sorrow semblaient toutes les deux à l'aise pour se dépourvoir de toute émotion, aussi bien au niveau de la pantomime que de l'intonation vocale. Cela n'avait rien de surnaturel, Dwain espérait bien trouver quelqu'un à sa hauteur en la personne d'Alix ! Après tout, cette dernière était actrice... euh, porte-parole du gouvernement... enfin, c'était plus ou moins la même chose à Dégénérescence. Il fallait vraiment être un artiste du pipeautage pour faire passer cette ville pour une démocratie.

Puis, la visiteuse d'infortune consentit à donner la raison de son intérêt pour le gérant du cimetière, ce qui confirma les craintes de Dwain : Elle voulait bel et bien parler de l'entretien des tombes. La tuile !
Quel fâcheux dilemme ! Que devait-elle faire à présent ? Prendre ses responsabilités et dévoiler enfin sa véritable fonction ? Sûrement pas ! Incontestablement, la dame Tilbury n'allait pas se montrer tendre avec une personne ayant négligé le nettoyage de la dernière demeure de sa défunte génitrice. Elle n'avait plus, à présent, qu'une seule solution viable : persévérer dans sa ruse le temps que son interlocutrice foute le camp ! Mais... Celle-ci semblait décidée à rester, comme elle l'indiqua elle-même en demandant à Dwain où elle pouvait attendre le fameux responsable du cimetière. Ni une ni deux, la fossoyeuse lui répondit :

"Un endroit où l'attendre...? Mais... Vous n'allez pas l'attendre ici quand même !?!
Vous savez... euh... il peut ne pas revenir avant plusieurs heures et... hum... vous m'avez l'air d'être une femme très occupée !"

Sa voix n'avait plus ce ton sinistre qui lui était coutumier. Pour le coup, elle semblait plutôt inquiète et hésitante... Alix venait vraisemblablement de gagner au grand jeu du "Je mets mal à l'aise en une seule phrase". Dwain s'y était pourtant qualifiée haut la main, mais sans doute trop distraite, elle fut éliminée en finale ! Elle réussit quand même à retrouver l'intégralité de sa contenance légendaire lorsque la seconde interrogation, tout aussi incommode que la précédente, se fit entendre. Elle y répondit calmement, mais par une banalité peu crédible vu le sarcasme qu'elle avait lancé plus tôt :

"Qui suis-je ? Une simple fille en deuil... Que ferai-je dans un cimetière si ce n'était le cas !?"

Une simple fille en deuil se laisserait-elle prendre au vil jeu de la provocation ? C'est plus qu'improbable. Maintenant, la nécrophore avait les deux pieds dedans. (...pour parler crûment !)

Pourquoi la jeune femme hésitait tellement, et pourquoi semblait-elle tellement vouloir l'empêcher de trouver le responsable du cimetière ? Bien sûr elle aurait pu employé son pouvoir pour en savoir plus, mais comme à chaque fois, l'idée n'effleura pas même Alix. Elle se contenterait de son "pouvoir" de persuation et de son bon sens...

Elle hésita avant de reprendre la parole ou de se décider à quitter le cimetière. Plus elle observait la jeune femme, plus elle était certaine que cette dernière lui mentait. Elle n'avait rien d'une "simple jeune fille en deuil" et puis elle l'avait déjà vu ici... Peut-être cherchait-elle à protéger le responsable du cimetière, il s'agissaît peut-être d'un ami...

" je doute de votre dernière affirmation mademoiselle, je vous ai déjà vu plusieurs fois ici, et vous ne me paraissez pas tellement épleuré... " dit-elle simplement mi-sérieuse et mi-moqueuse... Elle n'avait décidément pas envie de devoir se montrer dure et hostile, elle devait déjà suffisament le faire pendant son travail... enfin même si d'une certaine manière elle n'avait jamais véritablement réussi à tenir ce rôle...

" écoutez, je ne sais pas pourquoi vous me mentez et je m'en moque... Mais j'aimerais voir ce responsable et je vous assure que je n'ai rien à lui reprocher, donc ce n'est pas la peine de chercher à le protéger. "

Tout était dit, plus de faux semblant. Elle finit sa phrase avec un regard assuré et ferme, histoire de rappeller à la jeune femme qu'elle n'avait pas envie de se faire mener en bâteau très longtemps. Sa patience avait tout de même des limites... Et puis la jeune femme paraissait du genre "effronté" et elle avait certainement besoin d'être remise à sa place de temps en temps... En même temps Alix avait toujours envier ce genre de caractère, cette faculté de se moquer des conséquences de ses paroles alors qu'ele même pesait chacun de ses mots sans arrêt...

Bon, vue la façon dont elle venait de se faire démasquer comme une débutante, il était indéniable que la technique de Dwain dans le domaine du mensonge n'était pas très au point. Décidément, les relations inter-personnelles n'étaient pas son dada ! S'entraîner à parler aux gens en prenant sa peluche-chat comme interlocuteur-test n'avait pas suffi à la transformer en professionnelle de "l'interaction sociale en situation de crise"... Les baratineurs sont en réalité plus à plaindre qu'à blâmer, pensa t-elle sur l'instant. Ils sont en permanence sur le qui-vive, ce qui doit être exténuant pour l'esprit comme pour le corps. Peut-être Dwain demanderait-elle un cours de "mythomanie avancé" à Alix un de ces quatre, c'était son boulot après tout...

Mais bon, plaisanteries misent à part, on lui avait cramé sa (maigre?) couverture de fillette atterrée par la tristesse. Il lui fallait maintenant assumer l'entière responsabilité de cet échec et se retirer définitivement de la vie po... euh... Elle se devait de révéler sa véritable identité ainsi que sa fonction véridique. D'une part parce qu'une certaine notion d'honneur entrait en compte : Elle avait perdu, il lui fallait être honnête avec mam'zelle Tilbury. Et d'autre part parce que cette dernière semblait de plus en plus sur les dents. Elle contenait avec brio son excès d'agacement mais, passez moi l'expression, ça pouvait péter n'importe quand !!!
Prenant sa cigarette entre ses doigts pour que sa diction soit la plus claire possible, Dwain exposa posément :

"Vous avez raison, je ne suis pas crédible deux secondes. Je vais vous dire qui je suis... De plus, il est injuste que je sache votre identité en vous laissant ignorer la mienne, Mademoiselle Tilbury..."

La petite croqueuse de cadavre marqua une pause dans son élocution en reportant la clope à ses lèvres, elle tira somme toute assez longtemps sur celle-ci avant de reprendre calmement :

"Sorrow, c'est mon nom. J'ai à charge de m'occuper de cet endroit..."

Comme pour appuyer ce qu'elle avançait, Dwain sortit de sa poche une vieille photo d'elle avec son mentor Ronnie. Une photo d'assez mauvais gout d'ailleurs car, si l'ambiance qui en ressortait était plutôt joyeuse, (...la Miss Sorrow avec le sourire, c'est assez rare pour être souligné.) le fait qu'elle fut tirée dans la salle d'embaumement avec un macchabée en arrière plan faisait se dégager de la scène une atmosphère poisseuse autant que morbide.

"Vous vouliez donc me parler ?" ajouta la donzelle, à présent fossoyeuse avérée.

Alix nota souvent la cigarette aux lèvres ou entre les doigts de la jeune femme. Elle avait toujours eu en horreur les personnes qui fumaient, question d'habitude sans doute... et puis elle trouvait cela particulièrement vulgaire chez une jeune femme comme la petite brune en face d'elle... Enfin ce n'était pas son problème et elle ramena son attention sur les paroles de son interlocutrice. Elle fut un peu surprise lorsqu'elle l'appella par son nom. C'est vrai qu'elle oubliait souvent que son visage était celui de la propagande du maire pour les quelques rares habitants de Dégénérescence qui ne s'étaient pas encore enfouis sous une couverture d'indifférence...

Elle nota son prénom et le retenu. Cela pouvait toujours être utile... d'autant qu'elle risquait de la revoir rapidement si elle était effectivement la nouvelle responsable du cimetière. Cela surprit vivement Alix mais elle pu reconnaître facilement Ronnie. Bien sûr cela n'était pas vraiment une preuve, mais c'était suffisant pour qu'elle ne doute plus de la sincérité de cette Mademoiselle Sorrow.

" Bien, enfin les présentations sont faites... Vous sembliez proche de Ronnie, est-ce que vous pourriez me dire pourquoi il nous a quitté ? Bien sûr il n'était plus très jeune, mais paraissait encore en forme... " dit-elle, s'interrogeant réellement.

En réalité elle pensait que Ronnie était décédé depuis seulement quelques mois, car elle n'avait pas vraiment eu l'occasion de venir au cimetière ces dernièrs temps, ou seulement en vitesse et pas suffisament pour voir le vieil homme... Et puis c'était l'occasion de démarrer une conversation avec la nouvelle responsable. Elle avait besoin de parler un peu pour ce faire une idée sur la jeune femme... et savoir ce qu'elle pourrait faire, si elle pouvait penser établir le même genre de relation amicale qu'elle entretenait avec le vieux Ronnie

Dwain, toute à l'écoute de ce qu'Alix avait à dire, remarqua tout de même que celle-ci louchait sur sa cigarette. Ses yeux suivaient distinctement les va et viens perpétuels que la fossoyeuse faisait décrire à son péché mignon, principalement entre ses lèvres et sa main droite. S'abandonnant à réfléchir deux minutes, il lui parut presque évident que la responsable en chef de la communication, en tant que figure publique, ne devait surement pas fumer. Mais même avec cette conviction en tête, elle savait que la plus élémentaire des politesses serait de lui en proposer une quand même, juste pour la forme. Dwain n'était certes pas une amoureuse de la bienséance, toujours est-il qu'elle se plia à cette coutume étrange qui consistait à se montrer accorte avec d'éventuels invités. De ce fait, elle tendit le bras sans mot dire pour présenter son paquet ouvert à cette visiteuse régulière.

De nouveau attentive au discours de la Miss Tilbury, elle accusa le coup lorsque sa question tomba. En tant qu'habituée de la mort, elle avait pris l'habitude plus que douteuse de lancer des vannes plutôt amorale lorsqu'un nouveau cadavre lui était livré. Pourtant, lorsque la discussion tournait autour du trépas de son papa de coeur, l'envie de plaisanter n'était pas ce qui lui venait à l'esprit. Elle détestait aborder ce sujet, estimant que Ronnie était sorti trop vite de son existence. Cette considération égoïste couplée à la question dérangeante d'Alix la fit répondre de manière plus agressive qu'à l'accoutumée, même si son attitude générale resterait terriblement neutre et impassible pour un observateur profane :

"Il y a tellement de choses qui ont pu le tuer que j'ai fini par éluder la question... Que ce soit par le surmenage, la pénibilité du job, le tabagisme excessif ou une pluie de météorites, il n'est plus là pour m'épauler. La version de la municipalité, 'arrêt du coeur dû à la vieillesse', me suffit amplement..."

À la suite de cela, elle se sentit un peu coupable d'avoir été aussi amère. Après cognition, son alocutrice n'avait certainement pas dit cela pour la blesser. Fermant un oeil en signe d'auto-mécontentement (ce qui est un tic stupide, je l'avoue), Dwain tenta de se rattraper en relançant la discussion sur un ton moins déplaisant :

"Et votre mère, que lui est-il arrivé ? Vous semblez trop jeune pour que l'âge soit la cause de son décès."

La question était assez directe, mais valait bien celle d'Alix.

La petite brune avait du suivre son regard se porter sur la cigarette puisqu'elle lui tendit son paquet en guise d'invitation à en consommer une. Alix se contenta de refuser d'un geste de la tête, elle n'allait pas s'étaler sur son refus. Et puis de toute façon, Mademoiselle Sorrow ne lui en laissa pas vraiment le temps et répondit rapidement à sa question sur le vieux Ronnie. Elle devait y être particulièrement attaché car sa réponse, d'apparence neutre voir sarcastique, ne parvenait pas à cacher sa gène et son émotion...

" je suis désolée pour Ronnie, sincèrement... vous paraissez vraiment être proche de lui... est-ce qu'il s'agit de quelqu'un de votre famille, votre grand-père peut-être ? "

Et ce fut au tour d'Alix d'être embarassé lorsque son interlocutrice la questionna à propos de sa mère. C'était étrange, cela faisait tellement longtemps qu'elle n'avait pas eu l'occasion d'en parler... même chez ses grands-parents, le prénom de sa mère était devenu tabou...

" et bien... ma mère est morte il y a maintenant 7 ans, une rupture d'anévrisme selon les médecins... " résuma-t-elle n'ayant pas envie de s'étendre. La mort de sa mère avait été tellement subite, elle avait mis beaucoup de temps à faire son deuil... et elle ne pouvait pas parler de sa mère sans avoir la voix qui se mettait à trembler de manière presque imperceptible mais bien réelle.

" donc vous êtes la nouvelle responsable du cimetière... Je voulais juste vous remercier pour le soin que vous mettez à votre travail. Vous semblez aussi professionnel que Ronnie... " préféra-t-elle changer de sujet, et puis après tout c'était la raison de sa rencontre avec la jeune femme. Par contre elle ne parla pas encore de ce qu'elle avait apporter, hésitant... Elle savait que Ronnie ne l'aurait pas trahit pour les objets issus du marché au noir, il semblait plutôt hostile au régime et il semblait d'ailleurs à Alix qu'il avait rapidement compris qu'elle aussi ne soutenait pas de tout son coeur le Maire...

Mais elle ne connaissait la petite brune et s'en méfiait encore. Et ce sentiment semblait réciproque, son interlocutrice paraissait plutôt hostile, même si la conversation semblait les engager vers plus de confiance mutuelle...

Tilbury avait prestement pris ses aises dans la conversation ! Ses questions se faisaient clairement plus précises et inquisitives. Ce qui n'était sans doute qu'une banale conversation sur un ton formel prenait, pour Dwain, des airs d'interrogatoire où l'indiscrétion tenait une place de plus en plus imposante... La fonction d'Alix dans la République bananière de Dégênerescence renforçait cette impression malsaine, qui trouvait une résonance sans limite dans l'esprit de la jeune nécrophore. Les élans de suspicion prononcés de la demoiselle la confortait dans l'idée que son interlocutrice ne l'avait pas recherchée uniquement pour tailler le bout de gras avec la nouvelle gardienne du cimetière.
Cherchant à clore le dossier "Ronnie" afin qu'il ne revienne plus pointer le bout de son nez dans la discussion, elle répondit à la question d'Alix de la manière la plus neutre possible :

"Mon grand-père ? Non, pas du tout ! Il n'était que mon patron."

Ce mensonge avait toutes les chances de passer. Les seules personnes qui auraient pu témoigner du lien d'amitié qui unissait Dwain et son tuteur étaient déjà décédées avant d'en être les témoins... En effet, peu de vivant avaient pu assister à une discussion entre ces deux compères, leurs rencontres ayant souvent été épisodiques et désespérément courtes.
Métant ses craintes de côté pour le moment, la fossoyeuse reporta son attention sur la directrice de la propagande. Celle-ci résuma brièvement la cause du trépas de sa chère mère, sans ajouter un mot de plus que nécessaire. Si on devait trouver un point de comparaison pour ces deux femmes, ce serait la concision mathématique dont elles faisaient toutes deux preuve pour évoquer leur passé respectif !
N'ayant ni la volonté ni la curiosité déplacée d'en apprendre davantage, Dwain choisit de ne pas s'étendre à ce sujet. La demoiselle Tilbury avait d'ailleurs fait suite en révélant la possible raison de son intérêt pour la fonction de Dwain en ces lieux, à savoir : pour congratuler la conscience professionnel de cette dernière.
Toujours prompte à parler avant même de réfléchir, la cynique créature ne put s'empêcher de répliquer d'une manière incisive autant qu'abrupte :

"Me remercier ? Quelle drôle d'idée... Avez-vous déjà reçu des félicitations de ma part au sujet de votre activité professionnelle...?"

°Ça me ferait mal !° pensa-t-elle suite à ses propres dires, qu'elle regretta presque immédiatement après les avoir prononcés. Défaitiste de nature, elle imaginait déjà la riposte de la dame lui revenir en pleine face, à l'image d'un boomerang lancé par un utilisateur malhabile...

La jeune fossoyeuse semblait éviter ou plutôt contourner la conversation autour de Ronnie très rapidement. Avait-elle quelque chose à cacher ou était-ce simplement une réaction excessive à la peine qu'elle pouvait encore éprouvé à la disparition de cet homme qui lui semblait si proche ?

En tout cas la petite brune paraissait toujours sur ses gardes et hostile. Et ce fut flagrant à sa dernière phrase. N'avait-elle donc jamais reçu un quelconque remerciement dans sa vie pour réagir aussi durement ? Alix fut tellement surprise qu'elle ne cacher un mouvement d'hésitation et resta quelques secondes, le visage un peu interloqué, puis plutôt furieux... Elle détestait être rembarée de cette manière... Pourquoi personne à Dégénérescence ne semblait plus comprendre le moindre geste de gentillesse et d'amabilité, de courtoisie, ou tout simplement de civilité ? Etait-elle une espèce en voie de disparition à se rappeller qu'un mot gentil pouvait faire plaisir et ne coutait rien ?

Entre colère et déception, elle garda silence quelques secondes, le temps de retrouver contenance et réfléchir à la meilleure attitude à adopter... Elle se dit subitement que la réaction d'hostilité de la jeune femme venait peut-être de son travail, de son rôle de propagande pour le maire... Se pouvait-il alors que la petite brune soit hostile au régime en place et adopte ce comportement pour cette raison ?

" et bien oubliez mes remerciements s' ils vous coûtent tant de les recevoir... Et rassurez vous, je n'attend pas des félicitations de votre part sur mon travail, ni de qui que ce soit d'ailleurs... "

Sa voix était sèche et froide, une façon de marquer sa déception, et sans doute aussi sa vexation. Elle n'avait pas l'habitude qu'on lui résiste... D'ordinaire, son amabilité, ses gentils sourires, et son attitude un peu candide lui assuraient la sympathie de n'importe qui... même certains membres de la FDC... Et voilà que cette fossoyeuse semblait la remettre à sa place et ne cachait qu'à peine son hostilité !

Elle hésita un instant à couper cours à la conversation et à quitter franchement le cimetière. Mais ce serait une marque de faiblesse impossible à tenir, et puis, si cette fille était hostile au régime, elle ne pouvait qu'être interressante... Elle planta donc un regard neutre dans les yeux marrons de la fossoyeuse et attendit avec fermeté une réponse, une attitude qui puisse lui indiquer ce qu'elle pouvait attendre ou comprendre de la petite brune.

Comment Dwain pouvait-elle se permettre de tels accès d'insolence sans subir ne serait-ce qu'une sanction minime ? C'était sans doute elle que cela étonnait le plus. Le fait qu'Alix se contente de hausser le ton pour exprimer son mécontentement était un fait totalement inconcevable pour notre provocatrice en herbe.
Elle n'avait certes pas proféré de critique directe à l'encontre du gouvernement mais son attitude hostile aurait, en toute logique, déjà due la conduire dans un endroit encore plus morbide et glauque que son lieu de travail. Enfin... Si son interlocutrice avait été un peu plus tatillonne, c'est ce qui aurait pu se passer.
Dwain avait eu tout le temps de regretter ses paroles mais à présent, les remords avaient cédé leur place prédominante à d'autres sentiments : la surprise et surtout, la déception.

Oui, j'ai bien dit la déception car aucune joie ne se faisait sentir chez la jeune femme. Elle aurait pu échapper à l'échafaud qu'elle serait tout de même restée frustrée à un point inimaginable. C'est vrai quoi, comment la fossoyeuse pouvait-elle justifier son antipathie envers le système si ses plus hauts représentants ne faisaient pas un effort pour se conduire comme de parfaits salauds ? Le plus aberrant dans cette histoire, c'est qu'à force de relancer la conversation sur des bases haineuses et malsaines, c'est elle qui allait faire office de pourriture attitrée ! Comment se faisait-il que Tilbury soit aussi calme ? Quelles étaient les raisons de sa retenue ? Pourquoi diable ne profitait-elle pas de sa position sociale avantageuse pour se débarrasser de gêneurs pareillement anodins ?

Prenant son courage à deux mains, elle décida d'appeler la sanction de vive-voix. C'est-à-dire de réduire la subtilité de ses critiques à un minimum assez rudimentaire pour être comprise par un individu dénué de tout second degré, et aussi d'être assez insultante pour créer une vague d'hostilité en contrecoup. Selon la réaction d'Alix, Dwain pourrait la jauger.
Son monologue débuta par des excuses médiocrement argumentée, sur le ton fadasse qui lui seyait si bien :

"Veuillez pardonner mes rustres divagations. Après tout, je ne suis qu'une sclavi sans éducation... De plus, mon métier ne m'exerce que peu à appréhender avec tact les relations que j'entretiens avec les vivants..."

...Rien de plus que de l'hypocrisie mêlée de cynisme me direz-vous ! Certes. Cependant, la suite du laïus allait perdre son caractère formel pour se vautrer avec nonchalance dans une nasse poisseuse d'humour noir. Tirant une bouffée de nicotine à la volée, elle transperça le regard d'Alix de ses yeux ne reflétant aucune émotion particulière. Une aura palpable d'insolence se dégageait pourtant de la croque-mort au moment où elle reprit la parole :

"...Néanmoins, avec les morts je sais y faire. D'ailleurs, pour me faire pardonner mes écarts de comportement, j'envisage de faire un prix d'ami à vos enfants lorsqu'ils me demanderont de vous inhumer. Je pourrais même leur avoir des réductions chez un collègue marbreur pour qu'ils lui achètent un 'joli' buste du Maire qui surplombera à merveille votre caveau. C'est robuste, massif et le must c'est que ça fait fuir les corbeaux !"

Comparer une statue du Maire à un épouvantail n'était pas ce que Dwain avait fait de plus constructif tout au long de son existence. Courageux, peut-être. Idiot, sans doute beaucoup plus... Mais à présent qu'elle s'était lancée, il lui fallait conclure ! Quoi de mieux qu'une attaque personnelle pour finir en apothéose ?

"Espérons que votre mort survienne promptement, ainsi j'aurai la délicieuse opportunité de racheter ma faute au plus vite."

Après avoir souhaité, plus ou moins explicitement, la mort d'Alix en regardant cette dernière droit dans les yeux, la demoiselle trouva encore le perfide moyen d'esquisser un petit rictus qu'on pouvait, dans le contexte, difficilement rapprocher d'un sourire. En définitive, Dwain n'avait plus souri depuis une éternité... Surement parce que personne n'avait tenté de l'amuser durant cette longue période (et oui : l'éternité, c'est long)... Sans doute parce que d'aucuns ignoraient tout bonnement son existence.

Les premières phrases attirèrent de nouveau une attention bien particulière de la part d'Alix. L'ironie cynique dont faisait preuve la petite brune lui paraissait de plus en plus interessante... et elle commençait à se dire que la jeune responsable du cimetière pourrait bien avoir des points communs avec elle dans son refus des différences sociales... et cela ne s'arrêta pas là, elle semblait aussi détester le maire... car sinon pourquoi insinuer que la seule utilité d'un buste du maire serait de faire fuire les corbeaux ?

A cette dernière réplique plutôt bien réfléchi et surtout amusante pour quiconque détestant le régime en place, Alix eu bien du mal à ne pas laisser paraître un sourire amusé de connivence... La petite brune l'impressionnait. Elle ne semblait pas craindre de dévoiler certaines de ces opinions... et puis elle avait ce sens de la réparti bien senti qu'Alix appréciait par dessus-tout... enfin une personne qui ne se contentait pas de dire "oui" à tout, ou de paroles mièvres et insipides...

Au final Alix était "conquise" par la franchise et l'aplomb cinglant de Dwain et elle ne s'offusca même pas d'entendre la jeune femme souhaiter sa mort rapidement... A sa place, elle penserait sans doute la même chose... mais bien sûr, jamais elle n'aurait osé dévoiler ses véritables idées de façon aussi directe à une inconnue... Cette fille était soit folle soit suicidaire... ou encore elle avait un sixième sens et avait deviné qu'elle ne risquait rien...

Le cimetière était desert, et lorsque la jeune femme saisa enfin sa "tirade" qui devait l'avoir considérablement défoulée, le silence tomba au milieu des tombes... Alix frissonna comme souvent, et jeta une fois de plus un regard large autour d'elle. Rien ne semblait montrer qu'elle avait été suivit ou qu'elle était observée... C'était à croire qu'elle devenait paranoïaque...

" Vous devriez vous montrez plus prudente, tout autre que moi aurait pu mal interpréter vos paroles... ce serait le comble de l'ironie que ce soit vous qui serviez d'épouvantail... "

Ces derniers mots faisaient référence à une "légende" de la ville selon laquelle les corps de rebelles seraient exposés à l'extérieur et donné en pature aux animaux après être passés aux mains de la FDC. Elle termina sa phrase avec un faux sourire protecteur. La jeune femme l'intriguait mais il n'était pas question qu'elle se dévoile davantage sans s'être renseigner auparavant sur son compte...

" c'est pour vous, pour l'entretien des tombes " se décida-t-elle finalement, et elle sortit de son sac une poche foncée dans laquelle se trouvaient pas mal de produits rares...certains, comme des lames de rasoir prévu pour Ronnie, ne lui seraient peut-être pas d'une grande utilité mais peu importe.

Elle ne voulait pas laisser le temps à la jeune femme de s'interroger davantage sur son compte, déposa la poche sur le sol puis commença à prendre la direction de la sortie du cimetière. De nouveaux, les cailloux crissaient sous ses pieds, et elle qui tenait tant à rester discrète frissonait à chacun de ses pas.